C’est un peu la course aux milliards. Depuis l’annonce d’un déficit public de 5,5% en 2023, l’exécutif fait les fonds de tiroir. Après avoir gelé 10 milliards d’euros de dépenses en février dernier (APL, aides à la rénovation énergétique…), il devra trouver 10 milliards d’euros supplémentaires, d’ici fin décembre, pour espérer réduire le déficit à 5,1%. Pour cinq économistes signataires d’une tribune dans Le Monde le 15 avril dernier, le recul du déficit doit passer par une contribution des retraités. Deux d’entre eux, Arnaud Chéron et Anthony Terriau, professeurs des universités au Mans, expliquent à Capital comment il serait possible de procéder.

Que préconisez-vous pour faire baisser le déficit public ?

Anthony Terriau : Aujourd’hui, la dette représente quasiment 110% du PIB, soit 3 000 milliards d’euros. Nous avons commencé à regarder qui ont été les principaux bénéficiaires de cette dette publique. Comme l’Etat a vécu à crédit pendant les 50 dernières années, les personnes qui en ont le plus profité sont les seniors, via le système fiscal et les prestations sociales qui ont dépassé largement le montant des contributions qu’ils ont versées.

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Arnaud Chéron : Un jeune qui entre sur le marché du travail fait face à un taux de prélèvement obligatoire 10 points plus élevé que le taux que les retraités ont connu lorsqu’ils ont commencé leur activité. On a dépensé plus que ce que l’on prélevait ce qui rend les choses plus délicates aujourd’hui.

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Ce serait donc un juste retour des choses de faire contribuer les retraités à l’effort général ?

Anthony Terriau : On peut se poser deux questions : est-ce qu’il est efficace économiquement de mettre davantage à contribution les retraités et est-ce que c’est équitable ? Sur l’efficacité, il n’y a pas 36 solutions : soit on met plus à contribution les actifs, soit ce sont les retraités. Mettre plus à contribution les actifs, cela veut dire taxer le travail, les entreprises. Vous prenez alors le risque de freiner l’activité économique. Or, vous avez besoin d’une croissance soutenue pour pouvoir réduire votre dette. Du point de vue de l’efficacité économique, mieux vaut donc mettre à contribution ceux qui sont déjà sortis du marché du travail. Du point de vue de l’équité, il y a aussi un certain nombre de motifs qui plaident en faveur de la contribution des retraités. Par exemple, si vous avez eu exactement la même carrière qu’une personne née 20 ans avant vous, vous toucherez 30% de retraite en moins.

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Arnaud Chéron : Ces 30% de moins sont liés notamment au fait que les jeunes générations vont bénéficier d’une retraite moins longue que leurs aînés car l’âge de départ à la retraite avance plus vite que l’espérance de vie ne progresse. De notre point de vue, la question de l’équité est primordiale. Rappelons que le versement des retraites représente 350 milliards d’euros par an, donc prendre une mesure sur cette assiette peut avoir de grosses retombées financières.

“Le versement des retraites représente 350 milliards d’euros par an”

Concrètement, quelles mesures faudrait-il prendre ?

Arnaud Chéron : Nous avons regardé dans le détail la distribution des pensions de retraite en récupérant les données de l’Insee. Pour les 20% des retraités les plus aisés, qui gagnent plus de 4 000 euros par mois, on pourrait ne pas indexer les pensions sur l’inflation. Pour un autre tiers, dont les revenus sont compris entre 2 000 et 4 000 euros, il faudrait envisager une sous-indexation.

Anthony Terriau : L’idée n’est pas de désindexer les pensions des personnes qui perçoivent le minimum vieillesse. Pour celles-là, l’indexation de la retraite de base resterait sur l’inflation.

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Combien cette mesure pourrait-elle rapporter ?

Arnaud Chéron : La revalorisation des pensions de retraite en janvier (de 5,3%, NDLR) a coûté 14 milliards d’euros. Le gouvernement est en train de chercher 10 à 20 milliards d’euros. En janvier, s’il n’avait pas revalorisé les pensions, il n’aurait pas eu besoin de chercher des économies.

Anthony Terriau : En ciblant certaines sous-catégories et en étalant cette désindexation sur plusieurs années, on peut arriver à des résultats comparables à une désindexation complète. Par exemple, sur trois ans, avec un taux d’inflation autour de 2%, si on gelait la pension des plus aisés et revalorisait seulement de 1% celles des retraités dont les revenus sont compris entre 2 000 et 4 000 euros, on pourrait atteindre 10 milliards d’économie par an.

Malgré ce chiffre, le gouvernement semble réfractaire à toucher aux pensions des retraités…

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Arnaud Chéron : Il y a évidemment une question de politique et de bassin électoral. On peut supposer que les voix des retraités comptent peut-être plus pour Emmanuel Macron que celles des chômeurs. Pourtant, nous ne sommes pas sur les mêmes ordres de grandeur. Pour l’assurance chômage, les seules allocations représentent un peu plus de 30 milliards d’euros. C’est un rapport de un à douze entre l’assurance chômage et les retraites. Donc si le motif principal était les retombées financières, il n’y aurait pas d’hésitation.

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