Issu de la plateforme d’investissement internationale Cathay Capital, Cathay Innovation est un fonds de capital-risque créé en 2016 et spécialisé dans les nouvelles technologies. Depuis son lancement, la firme n’a pas hésité à investir dans le secteur crypto, en particulier dans Ledger, mais aussi dans le fournisseur de liquidités Flowdesk ou dans le protocole de finance décentralisée Curve. En 2022, Cathay Innovation a franchi une nouvelle étape dans le secteur crypto en lançant un fonds dédié à cet écosystème en partenariat avec Ledger : parmi les investissements de ce nouveau véhicule, on compte à nouveau Flowdesk, Syndicate (infrastructure d’API) et Starton (outils d’infrastructure blockchain no-code). Surtout, le fonds est le deuxième, après la firme XAnge, à avoir reçu en 2023 l’autorisation d’investir en tokens en France. Son cofondateur Denis Barrier revient auprès de Capital sur les premiers résultats de Ledger Cathay.

Quelle est la genèse de Ledger Cathay ?

Nous sommes investisseurs depuis le début de Ledger quasiment, c'est ce qui nous a permis de rentrer dans le domaine de la crypto assez tôt. Nous avons toujours maintenu d'excellentes relations avec les équipes de Ledger, à la fois avec le dirigeant fondateur que l’on peut dorénavant voir sur M6 (Eric Larchevêque, NDLR), et l’équipe actuelle dirigée par Pascal (Gauthier, NDLR) qui est entouré de talents de très haut niveau. Nous voulions un fonds crypto mais nous souhaitions régler en amont certaines incertitudes au sujet des normes de sécurité et du bien-fondé des protocoles qui auraient pu nous intéresser. Nous voulions lancer ce fonds avec l’aide de capitaux extérieurs. Avec Cathay Innovation, nous avons une longue expérience de collaboration avec des institutionnels qui investissent dans nos fonds : nous nous sommes lancés il y a 8 ans et nous avons 2,5 milliards d’euros d’actifs sous gestion.

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Nous avons donc sollicité Ledger pour créer un fonds ensemble, d’une part parce que nous pourrions bénéficier de leur expertise sur les protocoles et la sécurité et parce que nous pourrions créer des accords pour des entreprises susceptibles d’utiliser leur service, comme Ledger Live (magasin d’applications de Ledger, NDLR). Dans ce fonds d’un montant de 100 millions d’euros, Cathay comme Ledger ont placé des montants significatifs et nous avons obtenu le soutien de Bpifrance. Ce montant de 100 millions d’euros nous permettait de travailler à une échelle internationale, certes moins conséquente que nos homologues américains qui ont une génération d’avance sur nous. Cependant, avec notre valeur ajoutée, nous nous pensons suffisamment compétitifs. La présence de Bpifrance était également importante pour donner confiance et stimuler le secteur.

La particularité de votre fonds est d’investir, comme le fonds crypto d’XAnge, à la fois en actionnariat et en tokens. Où en êtes-vous sur cet aspect de l’investissement ?

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Lorsque nous avons eu cette idée, il n’y avait pas encore d’agrément ou de cadre pour cela. Nous avons passé quand même plus d'un an à échanger avec l'AMF (Autorité des marchés financiers), qui était extrêmement prudente à ce sujet. Nous avons finalement pu obtenir l’agrément nous permettant d’investir dans un certain type de tokens, à peu près au même moment que nos amis de XAnge, que je ne qualifierais d’ailleurs pas de compétiteurs parce que c’est comme une rue commerçante, il en faut plusieurs pour attirer du monde. Même si l’on ne peut communiquer sur la société concernée, nous avons réalisé notre premier investissement en tokens.

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Si vous ne souhaitez pas préciser la dénomination de ces investissements en tokens, pouvez-vous nous confier la typologie des sociétés concernées ?

Pour ce type d’investissement, nous n’avons pas forcément acheté des tokens sur des marchés liquides, nous avons fait ce qui pourrait s’apparenter à du prêt hypothécaire de tokens. Nous essayons de générer un rendement très fort et cela peut passer par la négociation d’accords avant que ces tokens ne soient cotés sur Ledger Live, par exemple. Quand le jeton devient bien liquide, on peut aspirer à un multiple de rendement qui peut faire rêver nos investisseurs, même si nous sommes soumis à un calendrier de vesting (restriction calendaire de vente, NDLR). Ce sont des calendriers que nous négocions bien qu’à partir d’un certain multiple, nous avons le devoir de réaliser des cessions afin de sécuriser les investisseurs. Nous investissons plutôt sur des tokens d'utilité, qui rendent des services, comme des réductions de transaction, de la certification ou des droits de gouvernance.

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L’investissement en tokens est-il de nature à intéresser un nouveau public ?

Je pense que cela a vocation à se généraliser. Nous sommes le seul fonds ou presque en France qui est opérationnel sur ce type d’investissement, donc, même si nous essuyons les plâtres, en quelque sorte, cela reste une position intéressante. Nous sommes à une phase d’organisation de l’économie où nous voyons émerger de nouvelles technologies sous-jacentes : la blockchain et ses capacités de certification et d’automatisation des échanges, et l’intelligence artificielle pour prendre les décisions au bon moment. Ce sont des services énormes en termes de réductions de coûts, cela a donc une valeur pour les acteurs classiques et nous estimons que cette valeur se traduit en des termes économiques. 10% des actifs de la planète peuvent être tokenisés : actions, obligations, immobilier. Cette technologie va se généraliser et va donc être accessible au grand public. C’est pourquoi nous avons la conviction qu’il nous faut être pionnier, et ce, afin d’emmagasiner le plus d’expérience dans ce domaine.

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Quand serez-vous en mesure de communiquer sur les performances du fonds ?

Nous avons déjà une bonne idée de nos performances au deuxième trimestre et sur le fonds crypto, nous aurons le plus gros ARR (taux de rendement comptable, mesure qui définit en pourcentage le rapport entre la part de bénéfice annuel moyen sur le montant initial de l'investissement initial, NDLR) que Cathay a jamais réalisé sur un fonds. Nous sommes en train d’exploser les compteurs et si je comprends que l’on puisse déconseiller aux investisseurs néophytes de s’essayer aux tokens, les nôtres ont une expertise et jouent cet actif en parfaite connaissance de cause afin de diversifier leur patrimoine. Sur ce fonds, la part en equity (actions) est d’environ 80% pour 20% en tokens.

Après une période d’euphorie en 2021-2022, il n’est plus rare d’entendre depuis l’an passé des start-up déplorer ne pas avoir suffisamment accès aux fonds d’investissement, en particulier français, contrairement aux fonds américains. Est-ce une critique que vous comprenez ?

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D’un point de vue réglementaire, on peut dire que l'Europe est à la fois en avance et prudente : il y a des choses qui ne sont pas possibles ici et qui le seraient aux Etats-Unis. Ensuite, il ne vous a pas échappé que l'an dernier, avec la chute de FTX et consorts, le secteur avait quand même mauvaise réputation et nous sommes un fonds qui n’a pas forcément envie de se lancer dans ces circonstances. En réalité, des fonds américains se sont levés avant le mauvais temps et avaient donc de l’argent à dépenser tandis que les fonds français ou européens n’avaient pas encore levé de capitaux.

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Que faut-il aujourd’hui pour intéresser Ledger Cathay et/ou Cathay Innovation ?

Il faut être dynamique, avoir un projet très ambitieux. Nous essayons d'avoir des fondateurs qui ont vraiment la niaque et aspirent à prendre des parts de marché, avec des vocations internationales. On ne finance pas des projets qui peuvent se passer de nous. Nous regardons aussi bien une société à un stade précoce (early stage) qu’à un stade plus avancé (levée en série A). En termes de thématiques, nous nous intéressons aux tokens qui peuvent avoir un rôle sur les marchés financiers. Il faut avoir raison suffisamment tôt, mais pas trop tôt. Il faut être parmi les premiers, donc si vous avez le sentiment de l’être dans un domaine, si vous voyez l’avenir se profiler et que vous êtes en quête de capitaux, nous sommes là.

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Vous avez investi dans Flowdesk avec Cathay Innovation et Ledger Cathay. Pouvez-vous expliquer cette décision ?

Flowdesk fait partie de nos premiers tickets avec Cathay Innovation mais nous étions restés discrets sur cet investissement. Nous avons pu constater que la société marchait extrêmement bien. Nous y avons vu des gens sérieux et nous avons donc voulu mettre un gros ticket également avec le fonds Ledger Cathay pour offrir une capacité de financement d’envergure internationale. On a parlé des fonds américains : c’est bien aussi de montrer à une société que nous, en tant que fonds français, avons la capacité de déployer 10, 20, 30 millions ou plus.